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de la nature de la guerre.

Bien qu’il ne soit possible à aucun général, quelles que soient sa valeur personnelle et sa propre expérience, d’inculquer à son armée l’habitude de la guerre, et bien que les manœuvres de temps de paix ne permettent que très insuffisamment de remédier à ce mal, la différence est grande cependant, à ce sujet, entre une armée aux exercices de laquelle cette intention a présidé et celle dans laquelle on n’a jamais cherché qu’à développer une habileté exclusivement mécanique. Il est beaucoup plus utile que ne le croient généralement les gens qui n’ont pas d’expérience à ce propos, d’organiser les manœuvres en temps de paix de telle sorte qu’une partie des frottements qui se produisent à la guerre s’y fassent sentir, et que les généraux et officiers de tous grades y trouvent l’occasion d’exercer leur jugement ainsi que la résolution et la pénétration de leur esprit. Il importe très fort qu’aucun officier ou soldat, dans l’armée, ne soit exposé à se trouver pour la première fois à la guerre dans des situations qui le pourraient étonner ou embarrasser, et, pour qu’il n’en puisse être ainsi, il suffit que déjà il ait vu ces situations se produire dans les manœuvres du temps de paix. Cette observation s’étend même aux efforts physiques, auxquels il faut exercer les troupes, moins encore pour y habituer leurs forces que pour leur en faire comprendre la nécessité. À la guerre, le soldat sans expérience est très porté à attribuer les efforts extraordinaires que l’on exige de lui à des embarras, à des erreurs, à des fautes même de la direction générale, et, par suite, à s’en laisser doublement abattre. Or il n’en peut plus être ainsi lorsque, pendant la paix, on a pris soin d’habituer son esprit aux exigences de la guerre.

Un autre moyen moins général, mais cependant très utile de donner aux troupes en temps de paix une certaine pratique de la guerre, consiste à introduire dans