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du génie à la guerre.

raient des problèmes dont la solution réclamerait les calculs d’un Newton ou d’un Euler.

Ce qu’il faut ici de forces intellectuelles, c’est une unité et une pénétration de jugement telles qu’elles permettent à l’esprit, dans le demi-jour où tout se passe à la guerre, de se rendre promptement et exactement compte de ce qu’une intelligence ordinaire chercherait vainement à mettre en lumière. Or, à quelque haut degré qu’un homme de guerre possède cette vue intérieure et ce regard du génie, pour valoir à son nom les honneurs de l’histoire, ces admirables facultés de l’intelligence demandent à être appuyées des grandes qualités morales que nous avons énumérées plus haut.

Le fait seul de se rendre exactement compte de la situation incite peu l’homme à agir, et, par suite, la différence est toujours grande entre reconnaître ce qu’il convient de faire et le vouloir faire, ou, en d’autres termes, entre savoir et pouvoir. Ce qui porte par contre le plus puissamment l’homme à agir, c’est l’esprit de résolution, la fermeté, la persévérance et la force de caractère, ces grandes forces morales qui, nous l’avons déjà reconnu, ne peuvent naître que de l’union des facultés de l’intelligence et de celles du caractère.

Pour que ces qualités supérieures de l’âme et de l’intelligence du général en chef rendent son nom célèbre dans l’histoire, il faut encore qu’elles se manifestent clairement par les glorieux résultats qu’elles ont produits. Or, en général, la manière uniforme et sommaire dont les historiens relatent la marche des événements d’une guerre ne permet pas à l’opinion de se rendre compte de toutes les difficultés qu’il a fallu surmonter, et ce n’est que de loin en loin que, par les mémoires des généraux en chef et de leurs confidents ou à l’occasion de recherches historiques tendant à la vérification de faits particuliers ou personnels, on arrive enfin à