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l’offensive.

comme équivalent à celui d’une bataille gagnée. Mais il ne faut pas perdre de vue que, dans l’un comme dans l’autre cas, les corps surpris étaient de très faible effectif et que, par le manque absolu d’avant-postes, la méthode de guerre de l’époque favorisait particulièrement l’action de l’attaque. Dans les autres exemples, bien que l’opération en elle-même ait parfaitement réussi, le résultat, très inférieur tout d’abord à celui d’une bataille gagnée, a été nul dans la surprise de 1741 et n’a pris quelque développement, dans les trois autres cas, qu’en raison de la faiblesse de caractère et du manque d’énergie de l’adversaire.

En 1806 le plan de l’armée prussienne était de surprendre les Français dans les cantonnements qu’ils occupaient en Franconie. L’opération, dans le fait, pouvait conduire à un résultat satisfaisant. Bonaparte étant absent et son armée répartie dans des quartiers très étendus, avec beaucoup de décision et de promptitude on pouvait contraindre les Français à repasser le Rhin. Mais c’était là tout ce que, bien menée et complètement réussie, l’opération pouvait produire, et songer à poursuivre l’avantage jusqu’au delà du fleuve de façon à empêcher l’ennemi de reparaître sur la rive droite pendant toute la durée de la campagne, c’eût été se promettre un résultat absolument irréalisable.

En 1812, au commencement d’août, lorsque Bonaparte suspendit le mouvement de son armée dans les environs de Witepsk, les Russes songèrent à surprendre les cantonnements français en partant de Smolensk. Le courage leur manqua cependant au moment d’exécuter ce projet, et ce fut un bonheur pour eux. Ils se seraient heurtés, en effet, contre le centre même de l’armée française deux fois plus nombreux que le leur et commandé par le général le plus résolu qui ait jamais existé, et cela dans des conditions où la perte