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chap. xviii. — attaque des convois.

capacité de résistance des troupes qui l’escortent que des rapports stratégiques du terrain qu’on lui fait parcourir. Or que ces rapports soient tels qu’ils permettent à l’escorte, au lieu de couvrir directement le convoi, de se porter résolument à la rencontre de l’adversaire et de jeter le trouble dans son opération, et l’on comprend enfin comment, loin d’être toujours facile et immanquable, l’attaque d’un transport est soumise à de grands hasards et souvent très incertaine dans ses résultats.

Il est un autre danger qui menace encore l’attaquant dans cette opération, c’est celui d’être attaqué lui-même après coup par le gros ou par l’un des corps de son adversaire. Cette crainte est la cause inavouée de l’interruption de maintes expéditions de ce genre, dans lesquelles il est impossible d’expliquer l’inaction de l’attaque par le respect seul que lui peut inspirer la faiblesse de l’escorte du convoi menacé. Comme exemple à ce propos il suffit de citer la célèbre retraite du grand Frédéric à travers la Bohême en 1758 après le siège d’Olmütz, quand il dut fractionner la moitié de son armée par pelotons pour couvrir un convoi de 4 000 voitures ! Si Daun n’attaqua pas le Roi dans ces conditions, ce fut uniquement dans la crainte qu’avec la seconde moitié de son armée celui-ci ne le forçât à une bataille dont il ne voulait pas courir les risques. Mais pourquoi du moins Laudon, qui ne cessa de marcher sur l’un des flancs de ce monstrueux convoi, ne l’attaqua-t-il pas lui-même plus promptement et plus vigoureusement qu’il ne le fit à Zischbowitz ? Ce fut également dans la crainte d’être attaqué lui-même. Il se trouvait, en effet, à 10 milles (74 kilomètres) et séparé par l’armée prussienne du gros de ses troupes et, voyant que Daun n’occupait en rien le Roi, il avait à redouter que celui-ci ne se tournât contre lui avec la