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l’offensive.

le fait, l’expérience a mille fois prouvé qu’un ouvrage retranché bien organisé et suffisamment garni de défenseurs constitue souvent un point imprenable, ou que, du moins, l’attaquant respecte fréquemment comme tel. De cette puissance de résistance d’un ouvrage isolé, il faut nécessairement conclure à la très grande difficulté et, le plus souvent même, à l’impossibilité absolue de s’emparer d’un camp retranché.

Il est logique de ne placer que de faibles garnisons dans les camps retranchés, car, avec de bons obstacles naturels et de solides ouvrages de campagne, on s’y peut défendre contre un nombre très supérieur d’attaquants. Frédéric II considérait l’attaque du camp de Pirna comme irréalisable bien qu’il y pût porter un nombre d’hommes double de celui de la défense, et ce n’est qu’en se basant sur l’état d’extrême affaiblissement où se trouvaient alors les Saxons que, plus tard, on a prétendu que le Roi eût pu s’en emparer. Il resterait à savoir, d’ailleurs, si ceux-là mêmes qui ont soutenu que l’attaque en était non seulement possible mais qu’elle eût facilement pu réussir l’eussent tentée dans de semblables conditions.

Nous croyons donc que l’attaque d’un camp retranché vraiment digne de ce nom est un moyen peu habituel de l’offensive. Mais par contre lorsque le camp, établi à la hâte, ne présente pas d’obstacles considérables sur ses abords, lorsque les ouvrages n’en sont pas achevés, lorsqu’en un mot — et le cas est fréquent — le camp n’est en somme que l’ébauche de ce qu’il devrait être, alors il en faut conseiller l’attaque car elle peut facilement conduire à la victoire.