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chap. v. — point limite de la victoire.

d’objets — les hommes surtout — qu’une armée ne peut tirer que de son pays d’origine ; puis, dans la majorité des cas, les prestations ne se font pas, en pays ennemi, aussi promptement et aussi sûrement qu’en territoire national ; enfin, s’il se présente quelque besoin inattendu, on n’y satisfait pas aussi vite et les malentendus et les fautes de toutes sortes ne se découvrent et ne se réparent pas avec la même facilité.

Lorsque, contrairement à l’usage qui s’est établi dans les dernières guerres, le souverain ne conduit pas personnellement son armée, lorsque, surtout, il ne s’en maintient pas à proximité, il en résulte encore un nouveau et très grand désavantage ; c’est la perte de temps qu’entraîne l’échange des communications entre le souverain et son lieutenant. Quelque absolus, en effet, que soient les pouvoirs d’un général en chef, il peut arriver, en raison de l’extrême développement que prend parfois sa sphère d’action, qu’ils soient insuffisants et le laissent désarmé dans les circonstances les plus graves.

4o  Passons à la quatrième cause d’affaiblissement. Lorsqu’ils résultent du fait même de la victoire, il est vraisemblable que les changements dans les alliances politiques, qu’ils soient ou non favorables au vainqueur, s’accentueront en raison directe de ses progrès. Tout dépend ici des relations politiques existantes, des intérêts, des tendances, des habitudes, des princes, des ministres, des courtisans, des favorites, etc. D’une façon générale on peut dire, cependant, que lorsqu’un État puissant est battu, s’il a de petits alliés, ceux-ci disparaissent d’habitude au plus vite, de sorte qu’à chaque nouveau coup le vainqueur devient plus fort. Lorsque l’État est moins grand, par contre, non seulement il trouve des protecteurs dès que son existence est menacée, mais ceux-là même qui ont concouru à sa