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chap. ix. — renversement de l’ennemi.

sur le centre, afin d’éviter, sinon une catastrophe, du moins de se trouver d’un côté ou de l’autre entièrement coupés de leur ligne de retraite. Telle était l’augmentation de résultat que le Roi pensait tirer de cette marche en avant. Les Autrichiens préférèrent la bataille au centre, mais Prague où ils prirent position se trouvait encore trop dans le rayon d’action de l’attaque convergente et, comme ils se bornèrent à une défensive absolument passive, cette action eut le temps de produire entièrement ses effets. Il s’ensuivit une véritable catastrophe, car, après avoir perdu la bataille, le général autrichien dut se retirer dans Prague et s’y laisser investir avec les deux tiers de son armée.

C’est à l’audace même de son action convergente que le grand Frédéric dut ce brillant résultat obtenu dès l’ouverture de la campagne. Pour mener à bonne fin cette entreprise hardie, qui donc le pourrait blâmer d’avoir à la fois compté sur la lourdeur de ses adversaires, sur la précision de ses mouvements, sur l’énergie de ses généraux et sur la valeur de ses troupes ? C’est à ces grandeurs morales bien plus qu’à la forme géométrique même de l’attaque, qu’il convient, en effet, d’attribuer ici le succès. Qu’on se rappelle à ce propos le résultat, non moins brillant quoique de sens inverse, que Bonaparte obtint sur les Autrichiens en 1796, quand il les punit si sévèrement de la convergence de leur marche en Italie. Or, à l’exception de la supériorité morale mais avec la supériorité numérique en plus, tous les moyens dont le général français disposa dans cette campagne, le général autrichien les avait également à sa disposition en 1757. On voit donc que lorsque l’on a à redouter, par une marche séparée suivant des lignes convergentes, de fournir à l’ennemi l’occasion de profiter des lignes intérieures pour compenser l’inégalité de ses forces, il ne faut pas recourir à ce moyen, et que,

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