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chap. viii. — but restreint. — défensive.

Qu’on ne pensât pas alors ainsi, et qu’on eût même tenu ce plan pour extravagant si quelqu’un eût proposé d’y recourir, cela ne fait pas l’ombre d’un doute, mais cela n’autorise nullement à en contester aujourd’hui la justesse. S’il faut tenir compte des leçons de l’histoire, on doit penser que, lorsque les mêmes conditions se représenteront à l’avenir, on agira comme on le fit alors avec tant de profit, et quiconque est en état de juger sainement les choses reconnaîtra qu’il est impossible de considérer comme un enchaînement d’accidents dus au hasard la série des grands événements qui ont suivi la marche des Français sur Moscou. Si les Russes s’étaient trouvés en situation de défendre directement leurs frontières, il est vraisemblable qu’un revirement se serait également produit dans la puissance ainsi que dans la fortune des Français, mais ce revirement n’eût certainement jamais été ni si violent ni si absolu. La Russie a atteint ce prodigieux résultat en s’imposant des sacrifices et en s’exposant à des dangers qui eussent été bien plus grands pour les autres puissances de l’Europe, et que la plupart d’entre elles n’eussent même pas pu supporter.

On voit qu’il faut ici beaucoup mettre au jeu pour beaucoup gagner, et que ce n’est pas en restant indéfiniment expectante, mais bien en se transformant au moment opportun en vigoureuse offensive, que l’action de la défense peut conduire aux résultats positifs les plus grandioses.