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chap. vii. — but restreint. — offensive.

mêmes conditions. En 1758, bien qu’avec les mêmes troupes qui avaient remporté de si brillants succès l’année précédente en Silésie et en Saxe, Frédéric le Grand ne parvint pas à se maintenir en Bohême et dans les Marches. Nous ne nous étendrons pas davantage à ce propos ; l’histoire est remplie d’exemples d’armées que l’affaiblissement seul de leurs forces a contraintes à évacuer un pays conquis.

Avant de procéder à l’attaque stratégique d’une partie restreinte du territoire de l’ennemi, il faut donc reconnaître au préalable si l’on pourra en rester maître, ou si les avantages à tirer de l’occupation passagère de la contrée — invasion ou diversion — compenseront le sacrifice des forces qu’on y devra employer. Il faut surtout n’avoir pas à redouter de provoquer un contre-coup dont la violence compromette tout l’équilibre de l’attaque.

Ayant déjà traité cette importante question dans le chapitre du point limite de l’attaque, il nous reste peu de chose à ajouter ici.

Pendant l’exécution d’une attaque stratégique de cette espèce, il peut arriver que nous perdions sur un autre point plus qu’elle ne nous peut rapporter. L’ennemi, en effet, peut agir comme nous, et, tandis que nous attaquons l’une de ses provinces, envahir l’une des nôtres, de sorte que tout dépendra dès lors de l’importance relative des deux opérations concomitantes. On voit combien il importe ici de bien peser les choses.

En supposant que les deux provinces soient de valeur égale, la perte de la nôtre nous sera néanmoins plus sensible que la conquête de celle de l’adversaire, par la raison qu’en occupant celle-ci nous paralyserons une partie de nos forces. L’effet est réciproque, dira-t-on, car l’ennemi se trouve dans le même cas, et il semble,

iii. 12