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chap. vi. a. — influence du but politique.

la paix sont l’une et l’autre des notions absolues qui ne comportent pas de gradation. Quand le phénomène se produit, cependant, on aurait tort de ne l’attribuer qu’aux seuls errements de la diplomatie ; c’est dans les préjugés de l’esprit humain qu’il en faut rechercher la véritable origine.

L’idée politique qui préside à la guerre exerce aussi une grande autorité sur la manière de la conduire. Quand le sacrifice que l’on veut exiger de l’ennemi n’est pas considérable, il suffit de s’emparer d’un objet de valeur équivalente, et l’on espère y parvenir en n’y consacrant que peu d’efforts. L’adversaire fait habituellement un raisonnement à peu près semblable. Qu’il arrive maintenant que, d’un côté ou de l’autre, on ait commis quelque erreur de calcul et que l’on se trouve trop faible, en général le manque d’argent ou de moyens immédiatement disponibles et, souvent même, le manque d’énergie morale s’opposent à ce qu’on y remédie. On se tire alors d’affaire comme on peut, et, sous prétexte d’attendre des occasions plus favorables qu’on sait bien ne devoir jamais se présenter, on laisse la guerre s’éteindre peu à peu comme un malade épuisé.

C’est ainsi qu’en en retardant l’action par de faibles motifs on enlève à la guerre sa violence naturelle et son caractère de ténacité. Dès lors, en effet, plus d’émulation, plus de réaction par influence réciproque entre les adversaires qui ne se meuvent plus que sur des espaces restreints et dans une sorte de sécurité.

Il faut non seulement admettre cette influence du but politique sur la guerre, car elle est manifeste, mais il faut même reconnaître qu’elle est parfois sans limite. C’est ainsi qu’il est des guerres dont le but est uniquement de menacer l’adversaire et d’appuyer des négociations.

iii. 11