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chap. iv. — détermination plus précise du but.

ront plus ou moins leurs forces dans une action commune. Plus la coalition affectera le second de ces caractères et plus il nous sera possible de considérer nos adversaires comme n’en faisant qu’un et, par conséquent, de réduire le nombre de nos entreprises décisives ou même de les ramener à la forme simple d’un grand choc unique. Or, nous venons de le reconnaître, tel est le moyen le plus efficace de renverser l’ennemi.

Il faut donc établir en principe que, tant que nous serons en état de vaincre la totalité de nos adversaires en en terrassant un seul, tous nos efforts devront se réunir contre celui-là, parce que c’est en lui que se trouve le centre de gravité de toute la guerre.

Il est peu de cas où cette conception ne soit admissible et où l’on ne puisse ramener plusieurs des centres de gravité de l’ennemi à un seul. Là cependant où la chose n’est pas réalisable, il ne reste évidemment qu’à considérer la guerre comme en constituant deux ou un plus grand nombre ayant chacune son but particulier, et dès lors, comme cela suppose l’indépendance d’action de plusieurs des adversaires et par suite la supériorité générale de leurs forces coalisées, il ne peut plus être question de les renverser.

Pour que nous puissions raisonnablement viser un pareil résultat, en effet, il nous faudrait disposer de forces armées assez considérables non seulement pour remporter une victoire décisive sur l’ennemi, mais encore pour le poursuivre et le harceler jusqu’au point où il ne pourrait plus désormais se relever ni reprendre son équilibre. Il nous faudrait, en outre, être assez sûrs de nos rapports politiques pour n’avoir pas à redouter qu’un pareil résultat ne nous suscitât aussitôt de nouveaux adversaires assez puissants pour nous forcer à lâcher prise.