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le plan de guerre.

Peu à peu cependant le système féodal se transforma en domination territoriale, les liens de l’État se resserrèrent, les obligations personnelles disparurent, et on leur substitua d’abord des prestations en nature, puis, insensiblement, un impôt en argent. Les troupes soldées commencèrent alors à remplacer les contingents féodaux. Ce furent les condottieri qui opérèrent la transition, de sorte que pendant un certain temps ces troupes devinrent aussi les instruments des grandes puissances ; mais cela dura peu, et bientôt, aux mercenaires engagés pour un temps limité, succédèrent des hommes régulièrement enrôlés et soldés. Telle est l’origine des armées permanentes entretenues aux frais du Trésor.

Il se présenta nécessairement de nombreuses combinaisons des trois systèmes dans cette lente transformation. Sous Henri IV on rencontre à la fois des contingents féodaux, des condottieri et des troupes permanentes. Les condottieri se maintinrent jusqu’après la guerre de Trente ans et l’on en trouve même encore de faibles traces dans les guerres du XVIIIe siècle.

À ces diverses époques la situation intérieure et les rapports politiques des États de l’Europe ne présentaient pas moins de singularité que leur puissance militaire. Cette partie du monde se subdivisait alors en une quantité de petits États, — républiques turbulentes ou petites monarchies sans puissance gouvernementale étendue ni certaine, — dont chacun, manquant de véritable unité, ne constituait qu’une agglomération de forces sans cohésion et sans harmonie. Dans ces conditions on ne saurait regarder un État comme une intelligence capable de se diriger et d’agir d’après des règles simples et logiques.

C’est à ce point de vue qu’il convient de se placer pour considérer la politique et les guerres du moyen