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la défensive.

lutte. Il dispose en outre encore de masses fraîches considérables (le quart ou le tiers de son armée). Il les a placées en arrière, tout à fait en dehors de la bataille, assez loin pour que le feu de l’ennemi ne puisse leur causer aucune perte, assez loin surtout pour qu’elles se trouvent en dehors du mouvement tournant par lequel l’ennemi cherchera certainement à dépasser l’une ou l’autre des ailes de la position. C’est avec ces masses que le défenseur se réserve de parer à l’éventualité de mouvements plus étendus, et destinés alors à le couper de sa ligne de retraite ; c’est grâce à elles, en un mot, qu’il peut conserver toute sa liberté d’esprit sans avoir sans cesse à redouter la soudaineté d’événements imprévus.

Enfin vers la troisième phase de la bataille, alors que l’attaque a dévoilé tous ses projets et engagé la plus grande partie de ses troupes, c’est encore avec ces mêmes masses que le défenseur, choisissant un point de la ligne ennemie, s’y précipite et engage lui-même sur une échelle moins vaste sa propre action offensive, mettant en œuvre à son tour tous les éléments de cette forme de combat : attaques, surprises, mouvements tournants. À ce moment le centre de gravité de la bataille ne repose plus que sur une pointe d’aiguille, et c’est par cet effort suprême et opportun sur le centre de gravité que le défenseur réussit à repousser définitivement l’attaquant et à le contraindre à la retraite.

Telle est la représentation normale que, d’après l’état actuel de la tactique, nous nous faisons d’une bataille défensive. Dans ce genre de bataille, le mouvement d’enveloppement général qu’exécute l’attaquant pour augmenter les chances de succès de son attaque en provoque aussitôt un semblable de la part du défenseur, et celui-ci cherche dès lors à tourner lui-même les troupes qui manœuvrent pour l’enve-