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la défensive.

À la frontière, en effet, la défense n’a pas encore de points d’appui auxiliaires ; elle doit lutter corps à corps avec l’attaque, et ne peut s’opposer à ses projets qu’en agissant directement sur ses troupes, et en les détruisant par la force même des armes. Parvenue au cœur du pays, au contraire, l’attaque est déjà à demi épuisée par ses propres efforts, et cela constitue un moyen auxiliaire d’une grande puissance pour la défense, car dès lors ses armes ne sont plus le seul, quoique restant néanmoins toujours le principal de ses instruments de solution.

La réaction peut donc tendre à deux solutions différentes, selon que la défense se propose de vaincre directement l’attaque ou de laisser celle-ci s’épuiser par ses propres efforts.

Il est clair que le premier mode de solution prédomine dans les trois premiers degrés de l’action défensive. Quant au second mode, il ne peut se produire dans son entier que lorsque la défense a recours au quatrième procédé, c’est-à-dire à la retraite profonde dans le cœur du pays. Or ce sont précisément les grands résultats que ce second mode de solution peut seul amener, qui justifient le choix d’un pareil moyen défensif et excusent les grands sacrifices que l’on impose au pays quand on y a recours.

On rencontre dans l’histoire des exemples où la recherche de l’une ou de l’autre de ces deux solutions s’est présentée dans la pratique avec la netteté et l’individualité d’un principe élémentaire. Ainsi lorsque Frédéric le Grand prévint l’attaque des Autrichiens à Hohenfriedberg, en 1745, en se portant à leur rencontre au moment où ils voulaient descendre des montagnes de Silésie, il ne les écrasa que par la puissance seule de ses armes, car évidemment leurs forces ne pouvaient encore être sensiblement affaiblies ni par