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la défensive.

jorité, trouvera, dans son action défensive, plus d’intérêts pour lui que contre lui.

Traiter ces considérations d’utopies serait agir contre la vérité philosophique qui, seule, fait découvrir les rapports généraux dans lesquels se tiennent les éléments essentiels des choses. Il va de soi cependant, qu’il y aurait inconséquence aussi, s’appuyant exclusivement sur ces rapports généraux, à en vouloir déduire des lois par lesquelles chaque cas particulier devrait être réglé, et à ne tenir aucun compte des immixtions fortuites qui se peuvent produire ; mais néanmoins, celui qui débute partout en individualisant et n’examine les événements que superficiellement pour ne les approfondir que lorsqu’un motif particulier l’y invite, celui-là ne parviendra jamais à découvrir les rapports généraux qui ne se trouvent que dans les bases les plus profondes, et, ne se formant ainsi qu’une opinion de valeur très restreinte, traitera vraisemblablement de rêveries ce que la saine philosophie détermine pour l’universalité des cas.

Si la tendance générale n’était pas au maintien de la tranquillité et du statu quo, on ne verrait pas, depuis plus de dix siècles en Europe, des États de puissance et de force si disproportionnées, au lieu de se réunir en un seul grand État, se maintenir dans leur intégralité les uns à côté des autres. Or si l’Europe subsiste telle quelle depuis si longtemps, il est incontestable que c’est à la tendance seule des intérêts collectifs qu’il convient d’attribuer la persistance d’un pareil équilibre politique, et que dans les cas exceptionnels où la protection de la masse n’a pas suffi à assurer la conservation de l’une de ces individualités, ce n’a jamais été là que des irrégularités qui, loin de détruire cette tendance, ont toutes été surmontées par elle et ont ainsi affirmé sa force et sa vitalité.