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la défensive.

masse d’un fleuve, une goutte d’eau n’en change pas le volume, mais qu’il survienne une pluie générale et le niveau du fleuve s’élève aussitôt. Il en est de même de l’influence collective qu’exercent la bonne ou la mauvaise volonté et la participation morale de la population d’un théâtre de guerre sur les événements militaires qui se déroulent sur le territoire qu’elle habite. Or, à moins que les habitants ne soient absolument opposés aux causes qui ont fait entreprendre la lutte, cette influence est naturellement tout en faveur des troupes qui combattent pour la cause nationale, c’est-à-dire en faveur du défenseur. Les prestations de toute nature, qu’elles soient considérables ou insignifiantes, ne sont alors obtenues par l’attaquant que sous l’exigence d’une pression manifeste, et, pour les recueillir, il lui faut une grande dépense de peines et d’efforts. Pour le défenseur, au contraire, que ce soit spontanément comme dans les cas de dévouement enthousiaste à la cause nationale ou simplement par habitude invétérée d’obéissance aux autorités du pays, les habitants sont prêts à tous les sacrifices. Cette obéissance n’a même pas besoin de la présence des troupes pour se manifester, elle prend sa source en dehors de l’armée elle-même et tire son principe de moyens et d’exigences qui sont absolument étrangers à cette dernière. Alors même que la participation volontaire des habitants à l’action nationale ne leur coûte aucun sacrifice matériel, pour peu qu’elle naisse d’un véritable amour de la patrie elle rend en toutes circonstances les plus importants services au défenseur. Bornons-nous par exemple à parler, à ce sujet, de la multitude d’informations et de renseignements qui, en dehors même du service de l’espionnage proprement dit, peuvent se produire journellement en raison du contact constant entre les habitants et tous les services de l’armée, et qui, dans le cas de bonne entente