Page:Clausewitz - Théorie de la grande guerre, II.djvu/365

Cette page a été validée par deux contributeurs.
359
ch. xxx. — défense sans recherche de solution.

Chez les Prussiens, en 1806, se manifestèrent pour la première fois des idées lucides et le sentiment vrai de la situation, mais les partisans des anciennes méthodes se trouvant encore en majorité dans les conseils, on ne prit néanmoins, que des dispositions surannées, mesquines, illogiques, qui portèrent bientôt partout la confusion et l’irrésolution. Si l’on eût judicieusement apprécié la situation, comment, en effet, eût-on laissé 30 000 hommes en Prusse avec l’intention de faire de la Westphalie un théâtre de guerre particulier ; comment se fût-on promis un résultat quelconque d’offensives aussi faibles que celles auxquelles étaient destinés les corps de Rüchel et de Weimar ; comment, dans les derniers conseils, eût-il pu être encore question du danger que couraient certains magasins ou de la perte de telle ou telle province !

En 1812, en Russie, dans cette campagne grandiose entre toutes, l’action défensive présenta enfin un véritable cachet de grandeur, bien que se soient encore maintes fois manifestées des opinions qui trahirent l’appréciation la plus fausse des dispositions à opposer à l’attaque. À Wilna, par exemple, au début de la campagne, il se forma dans le quartier général un parti d’hommes influents qui insistèrent pour qu’on livrât bataille à la frontière même. Or, bien qu’on ne pût encore prévoir que, si ce plan eût été adopté, les 80 000 hommes dont se composait l’armée russe eussent eu à supporter le choc de 300 000 Français, on ne pouvait cependant douter que, en raison de la grandeur et des difficultés de l’œuvre qu’il allait entreprendre, l’empereur Napoléon ne se présenterait qu’avec une extrême supériorité numérique. Dans ces conditions, on ne devait songer à s’opposer formellement à l’invasion que lorsque les marches, les privations, les fatigues et les maladies auraient assez amoindri la puissance initiale