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la défensive.

l’un des deux généraux peut, quoique plus faible, tenir tête à l’autre dans ce jeu d’adresse, ou, à forces égales, remporter sur lui maints avantages, mais, lorsque la campagne prend cette tournure, c’est l’indice certain qu’il y a absence de grand talent de part et d’autre, ou que, du moins, du côté où il s’en présente les rapports et la situation sont si gênés qu’ils ne permettent pas de risquer une grande solution.

Ayant ainsi fixé le caractère général des manœuvres stratégiques, il nous reste à expliquer comment il se fait qu’elles exercent, sur la direction de la guerre, l’influence particulière d’éloigner fréquemment les troupes des routes et des localités principales pour les porter dans des contrées éloignées ou de moindre importance. Cela tient à ce que les adversaires ne visant ici, de part et d’autre, que des résultats immédiats et passagers, les grandes lignes du réseau stratégique n’exercent plus sur l’action générale la même influence que dans la recherche des grandes solutions. C’est ainsi que, dans l’étude des campagnes de cette espèce, on voit tout à coup les troupes apparaître sur des points où jamais il ne viendrait à la pensée de les aller chercher si l’on ne tenait compte que des besoins normaux de la guerre. On trouve donc ici une explication nouvelle de la grande variété des formes que l’action militaire peut revêtir dans le jeu de péréquation des forces. Les cinq dernières campagnes de la guerre de Sept Ans se prêtent particulièrement à l’étude de ce sujet. Les rapports généraux sont à peu près constamment restés les mêmes dans chacune de ces campagnes, et pourtant il n’en est pas une qui n’ait sa physionomie propre, et, à y bien regarder, on n’y rencontre jamais la même disposition deux fois prise. Il est à remarquer, cependant, que, du côté des armées alliées, le principe offensif a été bien plus accentué dans ces