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ch. xxx. — défense sans recherche de solution.

Révolution française révélant soudain un monde de faits nouveaux. Grossière et sauvage dans le principe, mais régularisée plus tard sous la direction de Bonaparte et concentrée dans sa puissante main, l’activité française produisit des résultats qui frappèrent d’étonnement la vieille Europe. Il fallut, dès lors, renoncer aux anciens modes et adopter, pour les opposer à l’ennemi, les moyens mêmes qui le rendaient si redoutable. Mais ici, comme dans toutes les grandes évolutions intellectuelles, il se forma deux opinions contraires. Les partisans de l’ancienne méthode, considérant la nouvelle comme la décadence absolue de l’art, ne voient dans ses résultats que des manifestations de la force brutale. Pour eux, il n’y a de carrière ouverte à la science militaire que dans le jeu de péréquation des forces. Cette opinion est foncièrement illogique, mais celle des enthousiastes opposés ne l’est pas moins lorsqu’ils affirment que les manœuvres stratégiques ont irrévocablement fini leur temps et ne reparaîtront plus dans les guerres de l’avenir. Les faits nouveaux qui se manifestèrent dans les guerres de la République et de l’Empire français sont bien moins dus aux inventions et aux idées militaires nouvelles qu’à l’état social nouveau et aux situations et rapports qui en furent la conséquence. Nées d’un moment de crise, ces manifestations n’accuseront leur forme normale définitive que lorsqu’aura pris fin le travail de fermentation qui les a produites, alors que, selon toute vraisemblance, reparaîtront aussi une grande partie des anciens rapports de la guerre. Nous n’avons pas à pénétrer davantage dans cet ordre d’idées ; il nous suffit d’avoir montré que le jeu de péréquation des forces n’est jamais, en somme, que le résultat des rapports réciproquement gênés des adversaires ou de l’atténuation considérable de l’énergie de l’action militaire. À force d’habileté, il est vrai,

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