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la défensive.

en traversant la place, car, de cette manière, le duc de Bevern eût épuisé tous les avantages de l’expectative sans s’exposer à un danger redoutable.

La formation de l’armée en avant de ses places fortes est donc logique et très efficace. Aux raisons que nous venons d’exposer et qui la justifient pleinement, il convient d’en ajouter une dernière qui, plus directe mais de valeur restreinte, repose sur l’usage que fait habituellement une armée en campagne de la plus prochaine de ses places fortes comme dépôt d’approvisionnements. Cette disposition facilite si fort le service et les opérations de l’armée, que le général en chef ne se résout pas volontiers à déposer ses vivres, ses munitions et tous les objets qui lui sont indispensables dans une place ouverte ou à les tirer de places fortes plus éloignées. Dès lors, et par ce motif seul, il devient rationnel, et souvent nécessaire, de mettre la place ainsi choisie à l’abri de l’atteinte de l’ennemi en prenant position en avant d’elle. Mais le cas se restreint ici à une place isolément considérée, et cette dernière raison n’a, par conséquent, qu’une valeur très secondaire dans l’ensemble de la question.

Il est si bien dans l’ordre des choses que l’attaque, lorsqu’elle ne vise pas de grande solution, cherche à s’emparer des places fortes qu’elle peut atteindre sans avoir à livrer bataille, que la défense met toute son industrie à contrecarrer ce projet. De ces tendances contraires résultent des manœuvres incessantes sur les théâtres de guerre où se rencontrent de nombreuses places fortes, l’attaquant cherchant à les approcher à l’improviste et à s’en emparer par ruse, tandis que, par des marches habiles, le défenseur s’efforce de lui couper le passage. Telle a été la caractéristique de presque toutes les campagnes de Louis XIV dans les Pays-Bas, et cela s’est prolongé jusqu’à l’époque du maréchal de Saxe.