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chap. xxviii. — défense d’un théâtre de guerre.

imprenable de vive force ne convient nullement au but que vise ici le défenseur. Si celui-ci s’y plaçait, en effet, l’attaque, se sachant hors d’état de forcer la position, l’investirait peut-être pour l’affamer, mais passerait outre et continuerait à poursuivre son objectif.

On ne doit donc se placer dans un camp retranché que dans l’une ou l’autre des deux circonstances suivantes :

A. Lorsque l’emplacement sur lequel est établi le camp retranché lui donne une valeur stratégique telle que l’attaque se trouve dans l’impossibilité de l’investir ou de n’en pas tenir compte en le laissant sur ses derrières.

B. Lorsque le défenseur peut compter sur des secours extérieurs.

C’est le second de ces motifs qui porta l’armée saxonne à prendre position en 1756 à Pirna. On a beaucoup blâmé cette détermination en raison de la capitulation qui s’ensuivit, mais il faut cependant reconnaître que, en agissant ainsi, 17 000 Saxons ont pu neutraliser l’action de 40 000 Prussiens, ce qui, par tout autre moyen, eût été absolument impossible. Qu’à Lowositz les Autrichiens n’aient pas tiré parti de la supériorité effective que cette manière d’agir de leurs alliés leur donnait, cela ne prouve qu’une chose, c’est que, de leur côté, la guerre avait été mal préparée et fut encore plus mal conduite. Il n’est pas douteux, en effet, que si les Saxons, au lieu de se retrancher dans le camp de Pirna, se fussent dirigés sur la Bohême, Frédéric le Grand eût repoussé Autrichiens et Saxons jusqu’au delà de Prague, en une seule campagne, et se fût emparé de cette ville. Ne juger cet événement militaire que par la capitulation qui y mit fin et ne tenir aucun compte des avantages qui pouvaient résulter de l’application de ce