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la défensive.

La force armée a pour mission première de protéger le territoire. Le territoire, de son côté, entretient la force armée, la nourrit et fournit incessamment à son recrutement. Ces deux facteurs se soutiennent donc mutuellement, marchent de pair et ont la même importance l’un pour l’autre. Il se présente cependant cette différence dans leurs rapports réciproques, que, lorsque la force armée est anéantie c’est-à-dire réduite à l’impossibilité de prolonger la résistance, la perte du territoire en est la conséquence immédiate, tandis qu’il peut parfaitement se faire que, avant toute défaite de sa force armée, la défense cède volontairement le terrain à l’invasion dans l’intention de le reconquérir d’autant plus facilement plus tard. Bien plus, tout affaiblissement notable de la force armée entraîne immédiatement la perte d’une partie du territoire, tandis que l’abandon d’une partie considérable du territoire n’a pas pour conséquence régulière un affaiblissement de la force armée. Cet affaiblissement peut se produire à la longue, il est vrai, mais il n’est pas toujours et de toute nécessité le résultat immédiat de la crise décisive par les armes.

Il découle de ces considérations que la conservation de sa propre force armée et l’anéantissement de celle de l’attaque réclament les premiers efforts du général en chef, et que la conservation du territoire ne s’impose immédiatement à lui, que là seulement où cette manière de procéder ne la garantit pas suffisamment.

Si l’envahisseur réunissait toutes ses forces en une seule armée et si la guerre pouvait se terminer en un seul combat heureux pour le défenseur, l’issue de ce combat amènerait l’anéantissement de l’attaque, et, par conséquent, la continuation de possession du pays envahi. On peut donc se demander ce qui porte tout d’abord le défenseur à s’éloigner de cette simple forme