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chap. xxvi. — la nation en armes.

effort consécutif impossible, et déposeraient aussitôt les armes. Mais, sans se concentrer aussi formellement, les milices et les citoyens insurgés peuvent très opportunément se réunir en masses plus fortes et mieux ordonnées sur certains points des flancs de l’ennemi. On leur adjoint alors de petits détachements de l’armée, de façon à leur donner déjà quelque peu l’aspect de troupes régulières, et à les rendre propres à des opérations d’un ordre plus élevé, telles par exemple que de surprendre et de harceler les garnisons d’une certaine importance que l’ennemi laisse sur ses derrières. Ainsi dirigées et soutenues, les populations armées et les milices, dont l’action isolée n’inquiéterait que médiocrement l’attaque, deviennent pour elle une cause incessante de soucis et de crainte.

C’est donc en les appuyant par de petits détachements tirés de ses troupes, qu’un général en chef demeure maître de disposer, à son gré et selon ses vues, du soulèvement des populations. Sans cet encouragement, sans cet appui de l’armée régulière, les citoyens manqueraient de la confiance et de l’élan qui les font courir aux armes. Plus les détachements que le général en chef destinera à cet objet seront forts, et plus ils enthousiasmeront et entraîneront les masses. Cependant il ne faudrait pas, en cela, dépasser certaines limites. Il serait, tout d’abord, désastreux de disséminer l’armée entière dans un but qui n’est que secondaire en somme, et de ne l’employer elle-même pour ainsi dire que comme un Landsturm, en ne formant qu’une ligne de défense très étendue et par conséquent faible sur tous ses points, ce qui amènerait infailliblement à la fois la défaite de l’armée et celle des milices. L’expérience semble indiquer, d’ailleurs, que, dans les provinces où les troupes régulières sont trop nombreuses, l’action des populations armées perd proportionnellement de son