Page:Clausewitz - Théorie de la grande guerre, II.djvu/289

Cette page a été validée par deux contributeurs.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion
283
chap. xxvi. — la nation en armes.

les éléments moraux particulièrement, qui ne trouvent à produire leurs effets que dans l’application seule de ce procédé.

Nous n’avons donc pas à rechercher ce que coûte à une nation la résistance à main armée que sa population oppose à l’invasion, mais bien quelle influence cette résistance peut avoir, quelles en sont les conditions, et quelles applications il convient d’en faire.

Il va de soi, tout d’abord, qu’une résistance ainsi disséminée est absolument impropre aux opérations de longue durée et de forte concentration. Obéissant à une loi semblable à celle qui régit le phénomène de l’évaporation, l’insurrection agit en raison de la surface. Plus l’invasion occupe d’espace, plus les populations ont de points de contact avec elle, et plus grande devient l’action du soulèvement de ces populations. Cette action mine graduellement les bases sur lesquelles repose la puissance de l’ennemi. Comme une combustion sourde, elle poursuit lentement son œuvre, et, par ce fait même, crée un état de tension incessante qui épuise l’élément sur lequel elle s’acharne. Cette tension diminuera sur certains points ; sur d’autres, quelques opérations vigoureuses la feront même parfois complètement disparaître, mais, en somme, au moment où l’embrasement général étendra partout ses flammes, elle contribuera puissamment à forcer l’envahisseur à vider le sol de la patrie, sous peine d’y trouver son tombeau. Hâtons-nous cependant de dire que, pour qu’une population insurgée pût à elle seule amener une pareille crise, il faudrait admettre des dimensions territoriales telles que la Russie en possède seule en Europe, ou une disproportion si extraordinairement avantageuse pour la défense entre la surface du pays envahi et l’armée envahissante, que le cas ne s’en produira jamais dans la réalité. Si donc on ne veut pas poursuivre un