Page:Clausewitz - Théorie de la grande guerre, II.djvu/280

Cette page a été validée par deux contributeurs.
274
la défensive.

les conquêtes qu’il a faites, sera vraisemblablement contraint de les abandonner.

La Russie, par ses colossales dimensions, est le seul État sur lequel ce procédé défensif pourrait indéfiniment se répéter et exclusivement se poursuivre. Sur de plus petites surfaces, la défense peut aussi recourir au brusque changement de direction de sa ligne de retraite, mais il faut, alors, que les circonstances s’y prêtent particulièrement, ce que l’examen de chaque cas particulier peut seul faire connaître.

Dès qu’elle a choisi la direction suivant laquelle elle veut attirer l’ennemi dans l’intérieur du pays, il va de soi que la défense doit aussitôt donner cette direction à la masse principale de son armée, pour y entraîner le gros de l’attaque et placer celle-ci dans toutes les conditions désavantageuses que nous avons énumérées plus haut. Il ne s’agit plus, dès lors, pour la défense, que de décider si elle portera son armée entière sur cette direction unique, ou si elle donnera une forme divergente à sa retraite en répartissant sur ses flancs une partie considérable de ses forces.

Pour nous, le choix n’est pas douteux. Nous rejetons formellement la retraite à forme divergente, et cela par les raisons suivantes :

1o La retraite divergente augmente la division des forces de la défense quand c’est précisément leur concentration sur un seul point qui constitue le plus puissant obstacle que celle-ci puisse opposer à l’invasion.

2o La forme divergente de la retraite donne à l’attaque l’avantage des lignes intérieures, d’où plus grande concentration pour celle-ci, et, par conséquent, possibilité d’apparaître en forces supérieures sur un point quelconque de la défense. Il est vrai que, contre un système défensif qui consiste à se retirer sans cesse, cet avantage de l’attaque perd de sa valeur, mais il ne faut pas