Page:Clausewitz - Théorie de la grande guerre, II.djvu/244

Cette page a été validée par deux contributeurs.
238
la défensive.

gneuses d’où sourdent les premières sources et s’échappent les ramifications principales, est vraiment une idée digne d’écrivains sans expérience. Loin d’avoir rendu ces hautes régions aussi praticables que cette absurde théorie l’enseigne, la nature semble, au contraire, avoir pris plaisir à les parsemer de pics inaccessibles et de gouffres infranchissables, et, bien souvent, elle entoure les moindres lacs qu’elle forme dans ces solitudes de couronnes montagneuses du plus fort relief. En somme, lorsque l’on étudie l’histoire des guerres à ce sujet, on arrive vite à la conviction que les clefs géologiques d’une contrée ont généralement bien peu d’influence sur la manière dont il convient de tirer partie de cette contrée pour les opérations militaires, et qu’il faut tenir compte d’une si grande quantité d’autres besoins et d’autres nécessités locales, qu’on est souvent amené à faire choix d’une ligne de positions dans le voisinage même de ces points géologiques, sans que ceux-ci exercent la moindre influence à ce propos.

Mais revenons à notre sujet et laissons là cette théorie si fausse, à laquelle nous ne nous sommes arrêté si longtemps, que parce qu’il s’y est attaché tout un système qui, la chose est vraiment inconcevable, a eu son temps de faveur.

Nous concluons donc en disant que, si l’expression clef de pays peut avoir une saine acception dans la stratégie, elle ne doit être appliquée qu’à la contrée sans la possession préalable de laquelle il y aurait témérité à s’aventurer sur le pays. Mais, par contre, la donner à tous les points de passage et à toutes les positions centrales offrant de grandes commodités ou de grands avantages, ce serait fausser l’idée que nous y attachons foncièrement. Ce sont là, en effet, des points et des positions qui se rencontrent partout et auxquels l’expression clef ne peut s’appliquer qu’au figuré, lorsque, cédant