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chap. xxiii. — clef de pays.

xviiie siècle, on ne traitait dans les livres spéciaux, et on ne parlait absolument et exclusivement partout que des sources du Rhin et de celles du Danube. Cette aberration s’est surtout emparée des écrivains. Heureusement il ne passe dans la vie réelle qu’une faible partie de leurs élucubrations, et, généralement, cette partie est d’autant plus faible que la théorie elle-même est plus folle. Néanmoins, et au grand détriment de l’Allemagne, ce système n’y est pas resté sans influence sur la pratique. On ne saurait donc nous accuser ici de combattre contre des moulins à vent, et, pour convaincre le lecteur, nous le renvoyons : 1o à l’étude des savantes mais très inutiles campagnes de l’armée prussienne dans les Vosges, en 1793 et 1794 (œuvres de Gravert et de Massenbach) ; 2o à celle de la campagne de 1814, dans laquelle, par application de cette folle théorie, on vit une armée de 200 000 hommes se diriger sur Langres en traversant la Suisse.

Le point culminant d’où se déversent toutes les eaux sur une contrée est un point culminant, et généralement rien de plus, et tout ce qui, par exagération et fausse application des notions vraies, a été dit au sujet de son influence, à la fin du xviiie siècle et au commencement du xixe, a été imaginé par la fantaisie seule. Lors même que le Danube, le Rhin et les six grands fleuves de l’Allemagne prendraient une origine commune sur le même point culminant d’une montagne, ce point n’en tirerait pas une signification militaire plus grande, hormis peut-être celle d’être un point de repère pour la trigonométrie ; il conviendrait déjà moins à l’emplacement d’un phare, moins encore à celui d’une vedette, et ne présenterait aucun avantage pour y concentrer et établir une armée.

Chercher ainsi une position maîtresse, une prétendue clef de pays, précisément dans les régions monta-