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chap. xxiii. — clef de pays.

voit encore, contre tout droit, conserver quelque crédit dans les livres spéciaux.

En dehors même de ce que nous venons de définir clef de pays, il va de soi qu’il existe, dans chaque contrée, une quantité d’autres points d’importance prépondérante, tels par exemple que ceux où les routes se réunissent, sur lesquels on peut aisément rassembler des vivres et des munitions, d’où l’on peut se diriger dans toutes les directions, par la possession desquels on peut, en un mot, satisfaire à maints besoins et se procurer maints avantages. Que les généraux, voulant désigner ces différents points par un même terme, les appellent clefs de pays, il y aurait de la pédanterie à discuter cette expression ; nous disons plus, elle sonne bien, elle plaît, c’est une fleur de langage ; mais pousser l’exagération jusqu’à vouloir ici trouver le germe d’un système entier d’attaque, c’est provoquer la saine raison à ramener l’expression à sa juste valeur.

De la signification pratique, mais certainement très confuse, que le terme clef de pays a dans la bouche et dans les écrits des hommes de guerre quand ils traitent de leurs opérations militaires, il fallut passer à une signification plus positive, et par conséquent plus restreinte, lorsque l’on voulut trouver une base pour le développement d’un système spécial. On dut donc faire un choix, et l’on s’en tint aux hautes régions.

Lorsque l’on suit une route qui traverse la crête d’une montagne, on rend grâce au ciel quand on en a enfin atteint le sommet et qu’il ne s’agit plus que de descendre. Ce sentiment naturel à un voyageur isolé, ne l’est pas moins à une armée entière. Toutes les difficultés paraissent vaincues et le sont, pour la plupart, en effet. La descente sera facile, on a conscience des avantages que l’on aurait sur quiconque voudrait s’y