Page:Clausewitz - Théorie de la grande guerre, II.djvu/237

Cette page a été validée par deux contributeurs.
231
chap. xxii. — le cordon.

une guerre de cordon, il ne faut donc pas considérer cela comme provenant de l’intention arrêtée d’avance de recevoir le choc de l’attaque dans cette forme, mais bien comme une situation à laquelle la défense en arrive peu à peu en poursuivant un but tout autre, celui de protéger et de couvrir le pays contre un adversaire qui ne projette et n’entreprend aucune action capitale.

En se laissant aller à cette manière de procéder on commet cependant une erreur, et les motifs, qui portent ainsi un général en chef à occuper successivement un petit poste après l’autre, sont mesquins en comparaison de l’objectif qu’il devrait poursuivre avec le gros de son armée. Nous avons dû, néanmoins, nous placer à ce point de vue pour faire comprendre comment cette aberration peut se produire. Maintes fois on a condamné le système de cordon quand on n’eût dû accuser que la mauvaise application qui en avait été faite ; maintes fois, lorsqu’il fut appliqué dans des conditions normales, on n’a pas su reconnaître les résultats qu’il avait produits.

Bien que les campagnes du prince Henri de Prusse, dans la guerre de Sept Ans, présentent les exemples les plus frappants et, à première vue, les plus incompréhensibles de positions de postes défensifs si étendues qu’entre toutes elles méritent l’appellation de cordons, l’éloge de ces campagnes est dans toutes les bouches, et le grand Frédéric les a lui-même déclarées irréprochables. Cette appréciation générale se justifie par les raisons suivantes : Le prince connaissait ses adversaires ; il savait n’avoir aucune entreprise décisive à redouter de leur part, et comme, d’ailleurs, le but de ses dispositions était de rester toujours maître de la plus grande surface possible de terrain, il alla, dans ce sens, aussi loin que les circonstances le lui permirent. Si donc