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chap. xx. — inondations, marais.

et, par conséquent, plus passive que la défense des cours d’eau, et il convient, pour en augmenter relativement la puissance, de donner moins d’étendue à la ligne de défense, surtout dans les contrées cultivées de l’Europe où, dans les circonstances les plus favorables, les voies de passage préexistantes sont encore nombreuses.

À ce point de vue, et l’on ne saurait trop y attacher d’importance car la défense locale cache autant de danger qu’elle exerce d’attraction, les marais sont, en tant qu’instruments défensifs, inférieurs aux grands fleuves. Cependant il faut faire ici une réserve, car l’on rencontre fréquemment en Europe des marécages et des bas-fonds d’une largeur incomparablement plus grande que celle des cours d’eau les plus considérables. Or, dans de pareilles conditions, les postes établis sur certains points de ces marécages avec mission d’en interdire le passage ne courent aucun danger d’être écrasés par le feu de la rive opposée, tandis que, au contraire, l’effet de leur propre feu est extrêmement rehaussé par l’étroitesse et la longueur des digues. Ces digues, seuls défilés par lesquels l’attaque puisse procéder, constituent alors, pour celle-ci, un passage bien autrement long et critique que celui d’un pont. On est donc obligé de reconnaître que des marais et bas-fonds de cette espèce, lorsqu’un trop grand nombre de voies de communication n’en modifient pas essentiellement la nature, constituent des lignes défensives d’une très grande puissance.

On peut aussi appliquer aux marais le procédé de défense indirecte que nous avons indiqué pour les cours d’eau, et qui consiste à engager une action générale en se précipitant avec toutes ses forces sur l’ennemi, au moment où il est encore acculé à l’obstacle qu’il vient de franchir et n’a pas encore gagné assez