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la défensive.

nombre suffisant de points de passage assurés, il est incontestable que cette circonstance augmente considérablement la force de la position. En effet, bien que l’armée perde ainsi quelque peu de la liberté de ses mouvements en raison de l’obligation de couvrir ces points de passage, elle gagne, d’un autre côté, l’avantage incomparablement plus grand d’avoir ses derrières stratégiques, et particulièrement ses lignes de communications, parfaitement assurés. Il est bien entendu que nous ne parlons ici que de la défense en terrain national ou allié. En pays ennemi, alors même que l’on fait face aux forces de l’adversaire, on a toujours plus ou moins à redouter des actes d’hostilité entre soi et le fleuve qu’on laisse sur ses derrières, et dès lors celui-ci, à cause de la fixité et de la limitation de ses points de passage, exerce une action plus défavorable qu’avantageuse.

En terrain national ou ami, l’avantage que nous venons de signaler diminue au fur et à mesure que l’armée de la défense s’éloigne de plus d’une journée du fleuve qu’elle a laissé derrière elle. Enfin, à une certaine distance, toute influence cesse à ce sujet.

Supposons maintenant que ce soit l’armée envahissante qui, dans sa marche en avant, laisse un fleuve important sur ses derrières. Cette condition ne peut que nuire aux mouvements de l’attaque, car cela limite les lignes de communications de celle-ci à quelques rares points de passage. Le prince Henri, lorsqu’il marcha en 1760 à la rencontre des Russes dans les environs de Breslau sur la rive droite de l’Oder, trouva et prit évidemment un point d’appui sur ce fleuve qu’il laissa sur ses derrières à une journée de marche, tandis que, lorsque plus tard les Russes franchirent le même cours d’eau sous la conduite de Czernitschef, ils se trouvèrent dans une position fort critique, précisément