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la défensive.

seront en état d’en interdire le passage à une armée de 100 000 combattants et au-dessus, tandis qu’un corps de 10 000 hommes serait incapable d’y arrêter un ennemi d’un effectif égal ou même de moitié moins nombreux, si, toutefois, ce dernier ne craignait pas, après avoir franchi le fleuve, d’avoir aussitôt à en venir aux mains avec un adversaire égal ou supérieur en nombre. La chose est en soi claire et facile à comprendre, car, dans les deux cas, le rapport des effectifs se trouve seul changé, tandis que les points et moyens de passage restent les mêmes.

Nous n’avons guère à nous occuper ici des démonstrations, par la raison qu’on n’a que peu de compte à en tenir quand on s’oppose directement au passage d’un fleuve. En effet, ce procédé défensif n’étant pas basé sur la réunion concentrée de l’armée de la défense sur un point donné, et chaque corps de troupes ayant au contraire mission de surveiller isolément la partie du cours d’eau qui lui est assignée, il devient fort difficile à l’attaque, dans ces conditions, d’en imposer par des démonstrations. Il arrive souvent aussi que, disposant à peine de moyens de passage suffisants pour assurer la réussite de son entreprise, l’attaquant est peu porté à en consacrer une partie à une démonstration, ce qui diminuerait d’autant les troupes et le matériel qu’il pourrait employer au point de passage véritable, rendrait l’opération plus lente, et donnerait, par conséquent, plus de temps au défenseur pour la réunion des forces à y opposer.

En règle générale, la défense directe des cours d’eau ne paraît être applicable, en Europe, qu’aux fleuves de première grandeur, et seulement sur la seconde moitié de leur cours.