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chap. xvi. — défense des montagnes.

terrain montagneux est l’unique ressource d’une défense désormais trop faible et trop limitée dans ses moyens pour pouvoir s’exposer à l’action décisive des engagements généraux.

Ces considérations ne détruiront que difficilement l’idée instinctive que l’on se fait d’une guerre de montagne. Profondément impressionnés par quelques cas particuliers, et ne se rendant compte que des difficultés et des empêchements qu’un terrain montagneux oppose aux mouvements de l’attaque, les gens inexpérimentés et ceux qui n’ont qu’une mauvaise expérience de la guerre auront grand’peine à ne pas accuser notre manière de voir d’être paradoxale à l’excès. Ils ne se décideront jamais à croire que l’Autriche, par exemple, ne défendra pas plus facilement ses États contre une attaque venant de l’Italie que contre une attaque venant du Rhin. Or l’étude sérieuse des guerres et de l’art militaire du dernier siècle contredit absolument cette fausse impression de l’imagination. Les Français, qui, pendant vingt ans, ont fait la guerre sous une direction énergique exempte de préjugés et ont toujours eu sous les yeux les résultats funestes de ce système, se distingueront longtemps encore, dans l’application de ce genre de guerre comme dans bien d’autres circonstances, par le tact d’un jugement exercé.

Est-ce donc à dire qu’un État soit moins protégé sur sa frontière par un terrain montagneux que par une plaine ; que par exemple l’Espagne serait plus forte sans les Pyrénées, et la Lombardie plus inabordable sans les Alpes ; ou bien encore qu’un pays plat comme l’Allemagne du Nord serait plus difficile à conquérir qu’un pays entouré de montagnes tel que la Hongrie ? Nous allons consacrer les dernières lignes de ce chapitre à la réfutation de ces déductions qu’on ne saurait certainement tirer de notre enseignement.