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chap. xv. — défense des montagnes.

les troupes en colonne ne sont pas en état de se mouvoir en dehors des chemins tracés, on regarda ces postes isolés comme parfaitement reliés les uns aux autres, et on s’imagina avoir ainsi opposé à l’ennemi une sorte de muraille d’airain. Ce ne fut donc plus que par excès de prudence que l’on conserva encore quelques bataillons, quelques batteries à cheval et une douzaine d’escadrons en réserve, pour le cas où l’ennemi parviendrait, par une sorte de miracle, à rompre la ligne sur l’un de ses points.

Tout cela est parfaitement historique, on ne peut le nier, et même on ne saurait affirmer qu’aujourd’hui on ait absolument renoncé à cette fausse interprétation du sujet.

La marche qu’a suivie le perfectionnement de la tactique, par suite de l’accroissement constant de l’effectif des armées depuis le moyen âge, a contribué aussi à affermir l’action militaire dans cette manière de procéder.

Le principal caractère de la résistance dans les montagnes est la passivité absolue. La tendance de la défense à s’y placer était donc assez naturelle lors que les armées n’avaient pas la mobilité qu’elles ont acquise dans les dernières guerres. Les effectifs étaient devenus progressivement considérables, et, en raison de l’efficacité sans cesse croissante du tir des armes à feu, on avait dû de plus en plus étendre l’ordre de bataille en lignes si longues et si tenues, qu’il était fort difficile et souvent même impossible de faire manœuvrer les troupes dans cet ordre, et que la science la plus éprouvée et la plus entendue avait déjà fort à faire de les maintenir en cohésion suffisante. La mise en position d’une machine si compliquée exigeait souvent une demi-journée, et la plus grande partie de ce qui constitue aujourd’hui le plan général de l’action n’avait