Page:Clausewitz - Théorie de la grande guerre, II.djvu/146

Cette page a été validée par deux contributeurs.
140
la défensive.

un terrain escarpé et appuyés sur chacun de leurs flancs à des ravins profonds, sont certainement les deux principaux motifs qui ont fait, partout et de tout temps, attribuer une efficacité et une puissance de résistance si grandes à la défense des montagnes, qu’on y a toujours employé la masse générale des troupes dont on disposait toutes les fois que le mode d’armement et le système tactique en usage ne s’y sont pas formellement opposés.

Alors qu’une colonne suit en serpentant des ravins étroits, et se prolonge péniblement à travers une montagne, les conducteurs de l’artillerie et du train, à grand renfort de cris, de jurons et de coups de fouet, conduisent les chevaux haletants par les chemins encaissés. Les voitures et les fourgons se renversent et se brisent, et il faut les plus grands efforts pour déblayer la voie qu’ils obstruent. Pendant ce temps, la queue de la colonne arrêtée dans sa marche peste, maudit et blasphème. Chacun se rend compte que si quelques centaines de partisans apparaissaient alors, la déroute serait bientôt complète. C’est de là évidemment que les écrivains militaires ont tiré cet axiome qui leur est familier, que dans un défilé une poignée d’hommes est en mesure d’arrêter une armée. Or, pour peu qu’on ait quelque expérience de la guerre, on sait que la manière dont on procède à l’attaque des montagnes n’a absolument aucun rapport avec une marche de cette espèce. Ce serait même faire le raisonnement le plus faux que de conclure des difficultés que nous venons de signaler, que c’est en pays montagneux que l’attaque doit nécessairement rencontrer les difficultés les plus grandes.

Il est hors de doute, cependant, que jusqu’à une certaine époque l’art militaire a subi l’influence de cette erreur. Il fut un temps, en effet, où la résistance