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chap. xiii. — positions fortes, camps retranchés.

défense, tout ouvrage que l’on y ajouterait serait inutile et dangereux, les retranchements n’ayant à faire que là où la défense est locale. Si au contraire les ouvrages de fortification doivent constituer le principal obstacle à opposer à l’attaque, on comprend quelle faible résistance une ligne retranchée non défendue présentera au passage de l’ennemi. Que peut signifier, en effet, un terre-plein de 10 à 12 pieds de profil, précédé d’un fossé de 12 à 15 pieds de profondeur, contre les efforts réunis d’attaquants nombreux que les feux du défenseur ne troublent pas ? Il résulte de là que de pareilles lignes sont faciles à tourner si elles sont fortement occupées parce qu’elles n’ont alors nécessairement que peu d’étendue, et que si, au contraire, elles ont beaucoup de développement, ne présentant alors que relativement peu de défenseurs, elles sont faciles à enlever de front.

Or, comme les lignes retranchées enchaînent en outre l’action des troupes à la défense locale et leur enlèvent toute mobilité, elles constituent le moyen le moins approprié à opposer à un ennemi entreprenant. Si elles se sont néanmoins encore assez longtemps maintenues dans les guerres modernes, cela a tenu à l’état de faiblesse auquel en était arrivé l’élément militaire, alors que la seule apparence de difficulté que présentait un objet le faisait tenir pour réellement difficile. D’ailleurs, dans la plupart de ces campagnes, on n’a fait usage de ces lignes que pour une défense secondaire ou pour se mettre à l’abri des partisans. Si elles ont rendu quelques services à ce point de vue, on peut néanmoins se demander ce que l’on eût pu accomplir de plus utile en employant sur d’autres points les troupes qui étaient nécessaires à leur défense. Dans les dernières guerres on n’en trouve plus trace, et il est douteux qu’on y revienne jamais.