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de la stratégie en général.

soit surtout dans celle-ci que l’élément géométrique conserve le plus d’empire. Quant à la stratégie, bien qu’on ne puisse évidemment nier le grand rôle qu’y jouent la configuration du sol, la disposition des frontières et la forme suivant laquelle on répartit et dispose les forces, l’élément géométrique s’y montre bien moins décisif que dans la tactique, et de beaucoup moins important que dans les combinaisons de la fortification.

Nous verrons peu à peu, au courant de cet ouvrage, comment et dans quelles circonstances l’élément géométrique manifeste son influence dans l’action stratégique, et ne voulons, pour le moment, que faire ressortir la différence qui existe à ce sujet entre la tactique et la stratégie.

Dans la tactique le temps et l’espace se réduisent promptement à leur minimum absolu. Dès qu’une troupe est prise en flanc et à dos, elle est bien près de se voir enlever tout moyen de retraite, ce qui constitue aussitôt une situation voisine de l’impossibilité absolue de continuer le combat. Il convient donc, tout d’abord, de parer à cette éventualité, ou, si elle se présente, de s’en pouvoir dégager. C’est là ce qui, dès les premiers pas dans la tactique, donne tant d’efficacité à la combinaison géométrique des forces, efficacité qui naît en grande partie de la crainte même que cette combinaison géométrique inspira à l’adversaire sur les suites de son attaque.

La stratégie, en raison du temps qu’exige son action et des grands espaces sur lesquels elle opère, ne reçoit qu’un faible reflet de tout cela. La portée des armes ne s’étend pas d’un théâtre de guerre à un autre ; des semaines, des mois sont souvent nécessaires à l’accomplissement d’un enveloppement stratégique, et d’ailleurs, sur de pareilles distances, et si parfaites que soient les dispositions prises, on n’a jamais qu’une bien