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chap. xiii. — réserve stratégique.

généralité des cas, de chercher uniquement à balancer les désavantages essuyés sur certains points par des avantages obtenus sur certains autres, ou, mais dans les plus rares circonstances, de changer brusquement la direction ou l’emplacement d’une partie de ses forces. On ne saurait, en un mot, se trop garder ici de la pensée de se créer une réserve stratégique dont l’unique destination serait de parer à cette éventualité.

C’est une vérité si incontestable que toute réserve stratégique qui ne serait pas appelée à concourir à l’obtention de la décision principale serait une absurdité et un contresens, que nous n’aurions jamais songé à soumettre cette idée à un pareil examen, si, déguisée sous d’autres formes, elle ne présentait fréquemment des aspects plus raisonnables. Tel auteur la regarde comme le comble de la sagesse stratégique et de la prudence, tel autre au contraire la condamne, et rejette avec elle toute réserve tactique, si bien que cette opposition des idées en arrive à se manifester dans l’application même. C’est ainsi, par exemple, que dans la campagne de 1806 le gouvernement prussien répartit en cantonnements sous les ordres du prince Eugène de Wurtemberg dans les Marches une réserve de 20 000 hommes qui ne put atteindre la Saale en temps utile, tandis que, destinée à ne prendre qu’ultérieurement part à la guerre, une autre masse de 25 000 hommes resta absolument inactive également en réserve, dans les provinces du sud et de l’est du royaume.

On voit par ces exemples qu’on ne saurait sans injustice nous accuser d’avoir combattu ici contre des moulins à vent.



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