Page:Clausewitz - Théorie de la grande guerre, I.djvu/90

Cette page a été validée par deux contributeurs.
79
chap. xiii. — réserve stratégique.

d’un fleuve. Quant au côté par lequel une invasion va se produire, ce sont généralement les journaux qui se chargent de le révéler avant même qu’une amorce ait été brûlée. En un mot, plus les dispositions à prendre sont considérables, et moins on court le risque d’être surpris par elles. Les grandes opérations stratégiques s’accomplissent si lentement, en effet, et sur des espaces si étendus, leurs résultats sont généralement si peu variables et par conséquent toujours si connus, qu’on a tout le temps de les voir venir et de prendre ses dispositions en conséquence.

Il est, en outre, facile de se rendre compte que plus l’action devient essentiellement stratégique, et plus l’emploi d’une réserve perd d’efficacité.

Nous avons déjà reconnu, en effet, que la décision partielle obtenue dans chacun des engagements isolés dont se compose le combat, n’a qu’une valeur relative, et que ce n’est que la somme des décisions successivement obtenues qui constitue la décision même du combat. Or cette décision du combat peut être, elle-même, très relative et affecter un grand nombre de degrés différents, selon que les forces sur lesquelles le succès est obtenu constituent une partie plus ou moins considérable de la masse de l’armée ennemie. Il est certain que par une victoire une armée peut annuler la défaite de l’un de ses corps, de même qu’une bataille perdue par une armée plus faible peut, ainsi que cela s’est vu dans les deux journées de Kulm en 1813, être compensée et au delà, par une bataille gagnée par une armée plus forte, mais il n’en est pas moins évident que la valeur intrinsèque d’une victoire (le résultat total de tout combat heureux), étant d’autant plus considérable que la partie vaincue est plus importante, c’est en raison même de la grandeur de son insuccès que diminuent, pour le vaincu, les chances de le réparer par une vic-