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chap. xii. — union des forces dans le temps.

Il n’en est pas ainsi dans la stratégie. L’action stratégique ne commençant, en effet, qu’alors que la crise tactique a pris fin, un revirement y est, tout d’abord, beaucoup moins à craindre ; puis, à moins qu’on n’ait imprudemment consacré trop de forces aux phases successives du combat, toutes les troupes stratégiquement réunies n’y ont pas, de toute nécessité, pris part. Or celles de ces troupes qui n’ayant encore que peu ou point combattu ont néanmoins déjà, par leur présence seule et en raison de leur supériorité numérique, contribué au résultat tactique, sont, après ce résultat ce qu’elles étaient avant, c’est-à-dire absolument fraîches et en situation de puissamment concourir à la solution stratégique désormais seule en question.

On voit ainsi que, dans la stratégie, les pertes ne croissent pas, et que souvent même elles diminuent, tandis que, par contre, les chances de succès augmentent proportionnellement à l’étendue des forces employées. On ne saurait donc jamais porter trop de forces à la fois à l’action stratégique.

La question demande encore, cependant, à être examinée à un autre point de vue. Nous ne nous sommes occupé jusqu’ici que du combat en lui-même. Il est, en effet, l’activité guerrière par excellence ; mais, néanmoins, les trois agents de cette activité : l’homme, le temps et l’espace, en raison de l’influence qu’ils exercent, doivent aussi être pris en considération et entrer en ligne de compte.

Il est à la guerre un principe spécial de destruction qui, bien que toujours plus ou moins inséparable du combat, n’exerce cependant tous ses ravages que dans la stratégie. Quelque haut degré qu’atteignent, en effet, parfois les fatigues, les efforts et les privations dans la tactique, les instants y sont si courts, et l’action si rapide, que les effets destructeurs de ces agents ne