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chap. v. — vertu guerrière de l’armée.

particulièrement et dans lequel elles se développent promptement.

2o La vertu guerrière est moins indispensable aux armées permanentes lorsqu’elles luttent entre elles, qu’alors qu’elles ont à combattre des populations en armes, circonstances où les forces doivent être plus disséminées et les fractions de troupe plus fréquemment abandonnées à elles-mêmes. Là, au contraire, où l’armée peut être maintenue réunie, le génie du général en chef conserve toute sa puissance et supplée à ce qui manque à l’esprit des troupes. On voit ainsi qu’en général, la vertu guerrière est d’autant plus nécessaire que la configuration du sol et les autres conditions de la guerre disséminent les forces et compliquent l’action militaire.

Le seul enseignement que l’on puisse tirer de ces vérités est qu’alors que ce puissant levier fait défaut dans une armée, il faut, tout d’abord, apporter la plus extrême prévoyance dans la préparation de la guerre, pour s’efforcer, ensuite, de la maintenir dans les formes les plus simples. On ne saurait donc se trop garder de s’en laisser imposer par la seule étiquette de permanente, alors qu’une armée permanente n’a de valeur qu’en raison de l’esprit qui l’anime.

La vertu guerrière est donc l’une des plus importantes puissances morales à la guerre. Partout où elle ne s’est pas rencontrée, elle n’a pu être suppléée que par le génie supérieur du général en chef ou par l’enthousiasme national de l’armée. Là, enfin, où ces trois éléments ont manqué à la fois, les succès obtenus sont restés de beaucoup inférieurs aux efforts produits. Les Macédoniens sous Alexandre, les légions romaines sous César, l’infanterie espagnole sous Alexandre Farnèse, les Suédois sous Gustave-Adolphe et sous Charles XII, les Prussiens sous Frédéric le Grand, et les Français sous Bonaparte, ont montré les prodiges que l’esprit militaire et l’iné-