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les forces armées.

mais, dès que commencent les mouvements préparatoires des grandes actions, ce moyen auxiliaire n’atteint plus partout, de sorte que si l’attaque ne se peut produire aussitôt, il arrive précisément que c’est dans les quelques journées qui précèdent une grande bataille, alors qu’il est le plus nécessaire de refaire les forces morales et physiques des troupes, que celles-ci éprouvent le plus de misère et souffrent le plus de l’insuffisance des moyens de subsistance.

Dans le second cas, en raison même de ce que l’attaque partout victorieuse a incessamment repoussé et poursuivi l’armée de la défense, il arrive nécessairement un moment où ses lignes de communications commencent à devenir très longues, ce qui constitue en soi un danger d’autant plus prompt et d’autant plus grand que le pays que ces lignes traversent est plus pauvre, moins peuplé, ou que les habitants en sont animés de sentiments plus hostiles.

On conçoit en effet quelle différence se présente, au point de vue de l’approvisionnement, entre deux lignes de communications s’étendant l’une de Wilna à Moscou, par exemple, sur des contrées inhabitées, stériles ou mal cultivées, et l’autre de Cologne à Paris à travers de grandes villes telles que Liège, Louvain, Bruxelles, Mons et Valenciennes ! La première de ces lignes n’offre aucune ressource par elle-même ; il faut donc sans cesse et au prix des plus grands efforts, y faire avancer de lourds convois escortés de nombreux détachements, tandis que sur la seconde il suffit de signer une lettre de change ou de payer quelques commissionnaires en marchandises pour se procurer partout des millions de rations.

Combien de fois, sous l’empire des difficultés terribles qui naissaient tout à coup de lignes de communications qu’on avait imprudemment laissées s’étendre