Page:Clausewitz - Théorie de la grande guerre, I.djvu/38

Cette page a été validée par deux contributeurs.
27
chap. v. — vertu guerrière de l’armée.

duelles réparties dans la pluralité des membres d’une armée.

Conserver ses formations sous le feu le plus effroyable, rester inaccessible à toute crainte imaginaire ; dans le plus grand danger, disputer pied à pied le terrain sur lequel elle combat, calme et fière dans la victoire, obéissante, disciplinée, respectueuse pour ses chefs et leur conservant sa confiance dans les désastres mêmes de la défaite, se soumettre sans murmures aux plus durs efforts ainsi qu’aux plus terribles privations, y exercer ses forces comme un athlète ses muscles, et n’y voir qu’un moyen d’arriver au triomphe ; être prête, enfin, à tous les sacrifices pour l’honneur des armes et celui du drapeau, voilà ce qui distingue une armée profondément pénétrée de la vertu guerrière.

Les Vendéens se sont supérieurement battus, et les Suisses, les Américains et les Espagnols sont arrivés à de grands résultats sans déployer de vertu guerrière ; on peut même, ainsi qu’Eugène et Marlborough, obtenir la victoire à la tête d’armées permanentes médiocrement douées sous ce rapport ; on ne saurait donc dire que, sans vertu guerrière, on ne puisse être heureux à la guerre. Nous attirons particulièrement l’attention à ce propos, de peur que, ne saisissant pas notre pensée, on n’en tire cette fausse conclusion. C’est précisément parce qu’elle peut varier de degré d’une armée à l’autre, et qu’à la rigueur elle peut même faire complètement défaut, que la vertu guerrière devient une force morale efficiente. C’est là ce qui en fait un instrument dont on peut calculer la puissance.

Après en avoir ainsi exposé le caractère, nous allons rechercher quelle influence la vertu guerrière exerce, et par quels moyens on la peut créer.

Le général en chef a la direction générale, il donne l’impulsion à la masse entière, dont il met, ainsi, d’un