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chap. xiv. — de l’alimentation des troupes.

ché, n’a produit aucun résultat appréciable. Aussi Bonaparte rejetant toutes les objections que ses ordres soulevaient à ce sujet, répétait-il sans cesse : Qu’on ne me parle pas des vivres.

Il faut cependant convenir que le désastre qu’a éprouvé ce grand général en 1812, en Russie, prouve qu’il ne faut pas pousser trop loin cette insouciance en matière d’approvisionnements. En effet et sans que l’on soit en droit de dire, ce qui pourrait en somme n’être qu’une supposition, que l’entreprise n’a peut-être échoué que par cette seule cause, il est du moins hors de doute que c’est à l’insuffisance absolue des moyens de subsistance qu’il faut attribuer la diminution ininterrompue des effectifs de l’armée française dans sa marche en avant et sa ruine complète dans son mouvement de retraite.

Néanmoins et tout en reconnaissant dans Bonaparte le joueur passionné qui se laisse souvent entraîner à de folles exagérations, il est incontestable qu’ainsi que les généraux de la Révolution qui l’ont précédé, il a su fouler aux pieds le préjugé puissant qui jusqu’alors avait régné en maître dans la question de la subsistance des armées en campagne, et fixé en principe que quelque importante que soit cette question, elle doit cependant toujours céder le pas et se subordonner à celle du but militaire à atteindre.

Il en est du reste, à la guerre, des privations comme des efforts physiques et du danger. Ce que le général en chef peut exiger de son armée à ce triple sujet n’a pas de limites fixes. Un caractère puissant obtiendra nécessairement plus qu’une nature moins vigoureuse, de même que les résultats auxquels une armée parviendra dépendront toujours essentiellement de son esprit militaire, de la confiance et du dévouement que son chef