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les forces armées.

qu’on pourrait presque les confondre. Il faudrait dans le fait, que l’on recourût de nouveau au mode administratif sur lequel reposait l’entretien des troupes à la fin du XVIIe siècle et pendant le XVIIIe siècle, pour que les deux systèmes pussent désormais se distinguer essentiellement l’un de l’autre. Or il est peu probable qu’on en revienne jamais à cette manière de procéder, à moins que — mais alors le vieux système s’imposerait de toute nécessité — les guerres, présentant de part et d’autre des armées très considérables, ne dussent se prolonger pendant 7, 10 ou 12 années consécutives sur les mêmes contrées, ainsi que cela s’est produit jadis dans les Pays-Bas, sur le Rhin, dans la haute Italie, en Silésie et en Saxe. Quel est le pays, en effet, qui serait en état de demeurer si longtemps l’organe exclusif de l’entretien de deux grandes armées opposées, sans en arriver à l’épuisement le plus absolu et sans, par suite, refuser tout service ?

Ici il convient de se demander si l’action militaire doit se subordonner ou s’imposer à la question de l’approvisionnement ? À cela nous répondrons que tant que les circonstances le permettent il est avantageux que la première se guide sur la seconde, mais qu’aussitôt que le mode d’approvisionnement choisi commence à gêner l’action militaire, celle-ci doit s’en affranchir et l’entretien de l’armée s’effectuer selon le mode qui se plie le mieux aux circonstances.

À la guerre, le mode de subsistance basé sur le système des réquisitions sur place possède une si grande supériorité sur celui qui repose sur l’approvisionnement exclusif au moyen de magasins de dépôt, qu’on peut regarder ces deux modes comme des instruments absolument différents. Il n’est donc pas de gouvernement qui osât jamais s’exposer à se trouver avec le second de ces systèmes en présence du premier,