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les forces armées.

mais subordonné au but militaire à atteindre, et le service des subsistances dut être, dès lors, organisé de sorte que partout il put suffire aux besoins des troupes, quelles que fussent d’ailleurs les situations où les plaçait la recherche de ce but. Il s’est sans doute présenté de longs temps d’arrêt presque absolument dépourvus d’action militaire dans les guerres du XVIIe et du XVIIIe siècle, et l’on y rencontre surtout de nombreux exemples de prises régulières de quartiers d’hiver, mais du moins ces temps d’arrêt ne se produisirent plus que là où l’obtention du but recherché ne s’y opposa pas directement et ne s’en trouva que momentanément retardée. On obéissait uniquement, en agissant ainsi, à la vieille habitude d’abriter les troupes pendant les mois rigoureux, et nullement à la nécessité d’assurer leur subsistance. On quittait d’ailleurs irrévocablement les quartiers d’hiver au début de l’été, pour poursuivre désormais sans interruption l’action militaire pendant toute la belle saison.

La transition d’une ancienne manière d’agir à une nouvelle ne se produit jamais que peu à peu et degré par degré. C’est ce qui arriva ici. Pendant les guerres contre Louis XIV, les Alliés avaient encore la coutume de retirer leurs troupes dans des provinces éloignées pour les y placer en quartiers d’hiver, et cela afin de les pouvoir plus facilement entretenir. Dans les guerres de Silésie cet usage avait déjà complètement disparu.

Il ne devint cependant tout à fait possible de donner une forme régulière et suivie à l’action de la guerre, qu’alors que les États remplaceront les contingents militaires féodaux par des troupes enrôlées et soldées. Les autorités provinciales et les grands vassaux de la couronne purent désormais convertir en un impôt argent l’impôt humain que seul ils devaient précédemment fournir aux armées. Cet impôt humain disparut alors