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les forces armées.

Enfin il est rare qu’une partie de l’armée, et particulièrement la cavalerie, ne soit pas cantonnée. Toutes ces causes réunies produisent un temps d’arrêt sensible. C’est ce qui explique comment Bonaparte lorsqu’il poursuivait et voulait couper l’armée prussienne en 1806, et Blücher lorsqu’il cherchait à agir de même à l’égard de l’armée française en 1815, ne parcoururent l’un et l’autre qu’une distance de 30 milles environ (222 kilomètres = 55 lieues) en dix jours, vitesse que malgré tous les gros bagages qu’il traînait à sa suite Frédéric le Grand sût précisément donner à ses marches pour se rendre de Saxe en Silésie et réciproquement.

On ne saurait nier cependant que, sur le théâtre même des opérations militaires, la mobilité et, si l’on nous permet ce néologisme, la maniabilité des grandes et petites subdivisions d’armée aient sensiblement gagné, un somme, à la diminution des équipages. Tout d’abord, et cela sans porter en rien atteinte à la cavalerie et à l’artillerie, on a moins de chevaux à nourrir et par conséquent moins de soucis par rapport aux fourrages ; puis, n’ayant plus à veiller sans cesse aux énormes convois que l’on traînait jadis avec soi, on jouit maintenant d’une indépendance bien autrement grande pour se porter d’une position sur une autre.

Il est certain qu’aujourd’hui, alors même qu’on saurait n’avoir affaire qu’à l’adversaire le plus timoré, on n’oserait plus exécuter de marches semblables à celles que fit le grand Frédéric après la levée du siège d’Olmutz en 1758, marches dans lesquelles il lui fallut morceler son armée par bataillons isolés, pour protéger les 4 000 fourgons qu’il traînait avec lui.

C’est surtout dans les marches de très longue durée, comme par exemple quand, sous l’empire français, des troupes durent se porter des rives du Tage jusqu’à