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chap. iv. — proportion des armes.

est aujourd’hui. C’est là, en partie du moins, une erreur. En recourant aux données que l’histoire nous a conservées sur les effectifs des armées de cette époque, on se rend facilement compte qu’en moyenne la proportion de la cavalerie n’y était pas sensiblement supérieure à ce qu’elle est dans les armées modernes. Les armées des Croisés, de même que celles qui suivirent les empereurs dans leurs expéditions pour la cause de l’Église, se composaient principalement de grandes masses de fantassins. Dans ces armées, ce n’était donc pas la proportion numérique qui donnait la supériorité à la cavalerie, mais uniquement la valeur des éléments qui la composaient. Comme seule elle se recrutait exclusivement dans les classes supérieures de la nation, elle était naturellement l’arme la plus fortement constituée ; on la considérait comme l’âme des armées et, comptant peu sur l’infanterie, c’est à peine si dans les relations et dans les rapports on faisait mention de celle-ci. C’est là l’origine de cette croyance erronée qu’au moyen âge il n’y avait que peu d’infanterie dans les armées. Sans doute il s’est alors présenté, plus souvent que dans les temps modernes, des cas où de faibles armées exclusivement composées de cavalerie, ont fait de petites expéditions dans l’intérieur de la France, de l’Italie et de l’Allemagne. Cela n’avait rien de contradictoire puisque la cavalerie constituait alors la force principale des armées, mais, au point de vue de la généralité, de pareils cas n’ont aucune signification décisive, et sont largement compensés par la quantité d’infanterie que l’on retrouve chaque fois dans les grandes armées de cette époque. Cette mode de grandes masses d’infanterie, d’un emploi effectif si peu utile, ne disparut que vers l’époque de la guerre de Trente Ans et des guerres du règne de Louis XIV, lorsque l’organisation des armées cessant de reposer

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