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les forces armées.

semblables conditions, comme par exemple à Leipzig, à Brienne, à Laon et à la Belle-Alliance (Waterloo), malgré tout son génie la victoire ne lui est pas restée.

Mais si l’habileté du général en chef peut lui donner la force relative du nombre dans les grands combats, la force absolue est une donnée à laquelle dans la plupart des circonstances il ne peut apporter aucun changement. On ne saurait, cependant, tirer de cette considération qu’il ne soit pas possible de faire la guerre avec quelque chance de succès lorsque l’on ne dispose que d’une armée dont l’effectif est sensiblement inférieur à celui de l’ennemi. Un gouvernement n’est pas toujours libre, obéissant à de prudentes raisons politiques, et surtout alors qu’il ne dispose que de forces militaires relativement très inférieures, de ne pas faire la guerre. On peut donc concevoir des disproportions de forces très grandes entre les belligérants, de sorte qu’il faut de prime abord rejeter toute théorie d’art militaire qui ne serait applicable qu’en cas de supériorité ou d’égalité numérique, et deviendrait précisément impuissante au moment où, dans le cas contraire, elle devrait apporter un plus sûr appui. Ainsi donc, quelque regrettable qu’il soit de ne pouvoir opposer à l’ennemi des forces proportionnées à celles qu’il présente, on ne saurait dire qu’il soit théoriquement impossible d’utiliser celles dont on dispose, alors même qu’elles ne sont numériquement que très inférieures. Il est même impossible de fixer des limites à ce sujet. Il va sans dire que le résultat auquel on pourra prétendre sera d’autant plus restreint, et la durée de la résistance que l’on pourra opposer d’autant plus limitée, que l’on ne disposera que de forces numériquement plus inférieures ; mais, si nous osons nous exprimer ainsi, ce sont là précisément deux conditions inévitables qu’on doit, moralement et d’avance, porter au compte de