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chap. iii. — rapport des forces.

sans apporter de parti pris dans cette étude, la bataille de Borodino (la Moskowa), dans laquelle la première armée du monde, l’armée française, se mesura contre l’armée russe qui lui était certainement très inférieure comme organisation et comme instruction générale.

Dans toute la bataille on ne trouve pas trace d’un trait de génie ou d’intelligence supérieure ; ce n’a été, à proprement parler, qu’une lutte sans grand élan entre les forces opposées, et comme ces forces étaient à peu de chose près numériquement égales, la lutte ne put amener qu’un léger abaissement de l’un des plateaux de la balance, du côté où se trouvaient à la fois la direction la plus énergique et la plus grande habitude de la guerre. Nous avons choisi cette bataille pour exemple, parce qu’il en est peu d’autres où un pareil équilibre des forces se soit rencontré.

Nous ne prétendons pas que les choses se passent ainsi dans toutes les batailles, mais dans la plupart on retrouve foncièrement une partie de ce caractère.

C’est précisément dans les batailles de ce genre, alors que les forces opposées apportent tant de méthode et si peu d’élan à la lutte, que l’excédent de forces dont dispose l’un des adversaires doit le plus sûrement amener la victoire. Dans le fait, on chercherait vainement dans l’histoire des temps modernes, une bataille dans laquelle, ainsi que cela s’est maintes fois présenté jadis, la victoire ait été remportée sur un ennemi deux fois supérieur.

Dans toutes les grandes batailles qu’il a gagnées, à l’exception de celle de Dresde en 1813, Bonaparte, le plus grand général des temps modernes, sut toujours réunir des forces supérieures ou pour le moins de très peu inférieures à celles de ses adversaires. Quant aux batailles dans lesquelles il n’a pu se présenter dans de